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03.01. Babel - Chapitre III (1/4)

lundi 6 août 2007, par Luc de Bauprois


(Episode précédent)

Chapitre III

Dans la rame bondée, Alain aurait aimé dérouler les plans pour y jeter un œil, mais il y avait vraiment beaucoup trop de monde pour cela : il lui était déjà bien difficile d’éviter qu’un importun ne lui froisse ses précieuses cartes.

Quelques stations et quelques pas plus tard, il fut enfin de retour au commissariat. Il monta quatre à quatre les marches de l’escalier intérieur et regagna son bureau. Une dizaine de secondes lui suffirent à dégager sa table de travail, posant pêle-mêle, à même le sol un peu poussiéreux, téléphone, minitel, dossiers et autres objets divers qui l’encombraient.

Enfin, il put ôter l’élastique qui maintenait les cinq grandes feuilles d’épais papier et les cartes se déroulèrent lentement sur le bureau. Alain les étala du plat de la main et s’assit pour les consulter plus confortablement.

Il commença par parcourir rapidement la légende générale et regretta un peu de l’avoir achetée car elle ne lui apprenait pas grand chose. Il la mit donc de côté, par terre, avec le reste de ses affaires, et se mit à étudier les cartes proprement dites.

La première chose qu’il remarqua fut le tableau d’assemblage situé en haut à droite de chacune des feuilles, qui lui permit de les placer dans l’ordre, en un grand carré qui débordait largement de la table. Il cala les cartes à l’aide de divers objets lourds : pistolet, presse-papiers…

Ces travaux préparatoires achevés, il observa attentivement les quatre cartes. Chacune d’entre elles, multicolore, détaillait un rectangle de quatre cent mètres sur six cent, fort précisément puisqu’un mètre du terrain était représenté par un millimètre sur le papier.

Les cartes répertoriaient bien évidemment le tracé des galeries dont la couleur dépendait de la couche géologique traversée, mais aussi le dessin des rues, des parcelles et même des trottoirs. De plus, des coupes de terrain et diverses indications sur les puits d’accès permettaient de connaître la profondeur et la hauteur des passages souterrains…

En y regardant plus attentivement, Alain remarqua deux fines lignes pointillées parallèles représentant le tunnel du RER. Il repéra la station Port-Royal. Une rapide estimation lui permit de situer l’endroit où s’était déroulé le meurtre et la poursuite qui l’avait suivi.

Un cri de victoire fusa entre ses lèvres : il n’y avait pas de doute possible, une galerie passait juste sous le tunnel du RER, à l’endroit précis où il avait vu les ouvriers au travail…

Il se promit d’en avoir le cœur net en allant voir par lui-même et poursuivit son étude : la galerie se ramifiait en deux directions, vers le nord et le sud.

Il devait bien y avoir un moyen de rejoindre le passage muré durant la nuit. Alain hésita un instant. Il avait toujours éprouvé une certaine appréhension pour les souterrains, un peu de claustrophobie peut-être. De plus, il avait encore présent à l’esprit le ferme avertissement de son patron et la crainte d’une nouvelle mutation…

Il se replongea néanmoins dans l’étude des cartes et suivit le passage avec la pointe d’un crayon jusqu’à un puits de service, situé entre le numéro 28 et le 30 de l’avenue de l’Observatoire, qu’il resta un long moment à contempler pensivement.

Brusquement il ouvrit un tiroir pour attraper une feuille de papier, sa décision était prise : il recopia soigneusement la partie de plan qui l’intéressait car il n’était pas question de descendre sous terre avec les trop encombrantes cartes de l’IGC. Si encore il n’y en avait qu’une… Mais quatre !

Ce travail ne lui prit que quelques minutes. Il se leva, ramassa le téléphone qui s’était décroché et le posa sur la table. Comme il s’apprêtait à quitter la pièce, l’appareil sonna :

— Montfranc à l’appareil.

— Re-bonjour Montfranc, lui dit une voix familière. Vous êtes difficile à joindre mon jeune ami : soit vous n’êtes pas là, soit c’est occupé…

— Je suis désolé chef, j’ai dû m’absenter un instant et mon téléphone s’est décroché lorsque je suis revenu. Je viens seulement de m’en apercevoir et…

— Vous n’avez pas à vous justifier. Je sais que vous faites bien votre travail.

— Vous vouliez me demander quelque chose, patron ?

— Non, je voulais simplement vous signaler que le fameux mystère qui vous obsédait tant a été résolu…

— Alors ?

— C’est un crime passionnel. Un mari qui tue l’amant de sa femme ! Très banal en vérité.

Alain se souvint de sa conversation du matin : il avait déjà envisagé cette hypothèse avec Christophe mais l’avait immédiatement rejetée. L’inspecteur chargé de l’enquête ne pouvait pas être stupide au point de croire cela. On cherchait vraisemblablement à l’écarter totalement de l’affaire. Il décida de jouer le jeu :

— Ah, dit-il sur un ton désappointé.

— Vous me semblez déçu…

— Je m’attendais à quelque chose de plus palpitant.

— Je sais. C’est pour cela que vous vouliez tant vous occuper du dossier ?

— Hé bien…

— Vous avez toujours eu un faible pour le mystère… Un faible qui vous pousse quelquefois à en voir là où il n’y en a pas.

— Mais…

— Ne vous excusez pas. Il faut avoir de l’imagination pour réussir dans ce métier… Mais pas trop tout de même. Vous êtes encore jeune, Montfranc. Si vous vous décidez à arrêter vos conneries, vous serez, dans quelques années, un commissaire de haut niveau et non plus un jeune inspecteur plein de fougue qui se laisse entraîner à trop écouter son intuition. Si vous apprenez enfin à suivre autre chose que votre instinct, vous deviendrez un grand policier…

— Merci, chef !

— Vous n’avez pas à me remercier, je ne vous fait pas de compliment, au contraire ! Sur ce, je vous laisse.

Alain salua son chef et raccrocha lentement. Si on cherchait tellement à l’écarter, c’est qu’il y avait quelque chose d’énorme à cacher. Mais quoi ? Alain quitta le bureau, conforté dans sa volonté de descendre dans les anciennes carrières.

Il descendit au sous-sol, où se situait le département “équipement” du commissariat. Après les bavardages habituels avec l’agent de service, Alain en vint au véritable sujet de sa visite :

— Bon, ce n’est pas tout, j’ai du travail. Est-ce que tu aurais une combinaison ?

— Une combinaison de quoi ?

— Oh, un truc étanche, style égoutier…

— Tu te reconvertis dans la chasse aux rats ? Ou bien as-tu eu une nouvelle promotion ? se gaussa l’autre.

— C’est malin ! Tu en as d’autres comme celle-là ? Parce que si tu en as, déballe-les tout de suite, je les subirai moins longtemps !

— Je pourrais t’en envoyer toute la journée. Mais puisque tu ne gouttes que ton humour…

— Je n’apprécie pas que mon humour, répondit Alain un peu excédé. J’ai une énorme quantité de boulot aujourd’hui… Alors tu as ce qu’il me faut, oui ou non ?

— Oui, oui, bougonna l’autre.

A suivre...


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