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01.03. Babel - Chapitre premier (3/4)

lundi 25 juin 2007, par Luc de Bauprois


(Episode précédent)

La violence de l’arrêt jeta Alain sur les autres passagers. Contrairement à eux, il ne perdit pas de temps à geindre ou à hurler, mais se releva rapidement. Il regarda à nouveau à travers la vitre le séparant du conducteur : celui-ci avait glissé au sol où il reposait, immobile.

Alain fouilla dans ses poches à la recherche d’un outil lui permettant d’ouvrir la porte. Ce furent finalement les clefs de son appartement qui remplacèrent le classique “triangle” des agents de la Régie Autonome des Transports Parisiens.

Il pénétra dans la cabine, referma soigneusement la porte derrière lui et masqua la vitre de séparation à l’aide de sa veste pour éviter qu’une panique ne se déclenche parmi les voyageurs.

Ces préliminaires effectués, il se retourna pour s’occuper du conducteur qui ne donnait toujours pas signe de vie. Il chercha d’une main un pouls qu’il ne trouva pas, tandis que, de l’autre, il déboutonnait le col de la chemise de l’homme.

Il s’arrêta, surpris : un sang poisseux lui maculait les doigts. En écartant les pans de la veste bleu marine du conducteur, il vit l’impact d’une balle de fort calibre et comprit que c’était un meurtre qui venait d’être commis sous ses yeux. La radio de bord l’interrompit dans ses méditations :

— PCC à rame 117. Rame 117 répondez !

Un instant de silence ponctué de crachotement suivit cet ordre. Puis la radio reprit :

— PCC à rame 117. Que se passe-t-il ? Pourquoi êtes-vous arrêté ?

Alain repéra le micro et répondit à l’appel :

— Officier de police Alain Montfranc. Votre conducteur est mort…

— Quoi ? lui répondit une voix surprise et inquiète.

— Je répète, votre conducteur est décédé. Apparemment d’une balle en plein cœur !

Tout en conversant avec le lointain opérateur, Alain dégagea le pare-brise des restes de verre qui y étaient restés accrochés. L’homme du Poste Central de Commande poursuivit :

— Nous vous envoyons un agent. Calmez donc les voyageurs en l’attendant et…

Alain ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase car il venait d’apercevoir la silhouette d’un homme fuyant dans le tunnel :

— Je vois le meurtrier ! lança-t-il dans le micro. Je vais tenter de le rattraper. Comment démarre-t-on vos foutus engins ?

— Vous n’avez pas le droit de vous servir de ce matériel : vous n’avez pas la formation nécessaire !

— Mon cul ! répondit peu aimablement Alain en reposant le micro.

L’homme était trop loin pour le rattraper à pied et Alain en était bien conscient. C’est pourquoi il prit le temps d’étudier les différents instruments du tableau de bord et repéra rapidement un rhéostat gradué en accélération et freinage. Il l’actionna avec une certaine appréhension : le convoi s’ébranla doucement et prit de la vitesse. L’ombre du fuyard commença à se rapprocher…

— PCC à rame 117. Arrêtez-vous immédiatement ! crachota la radio.

Alain ignora l’ordre et continua à accélérer. L’homme était maintenant proche. Il jeta un coup d’œil par dessus son épaule et, voyant le train qui arrivait vers lui, stoppa sa course et repartit dans l’autre sens. Alain ne s’attendait pas à cette réaction et perdit quelques précieuses fractions de secondes avant de commencer à freiner. À nouveau le crissement des freins retentit dans le tunnel, suivi par de véhémentes récriminations provenant du compartiment voyageurs. Reprenant le micro, il contacta le PCC :

— Rame 117 à PCC. Le fuyard est reparti vers Port-Royal, je le poursuis mais envoyez quelqu’un à la sortie du tunnel !

Alain ouvrit la porte et sauta sur la voie sans attendre la réponse du PCC qui ne lui parvint qu’au moment où il atteignit le sol :

— Bien reçu rame 117. Nous faisons le nécessaire, mais par pitié pensez aux voyageurs…

Alain s’élança dans le tunnel, courant entre le convoi arrêté et la paroi en ciment tapissée de câbles. Bientôt il vit le meurtrier : celui-ci était à une cinquantaine de mètres de lui.

L’homme arrivait en vue de la station : il aperçut les uniformes des agents qui l’y attendaient et s’arrêta. Se retournant, il vit Alain qui se rapprochait de lui au pas de course et brandit une arme qu’il pointa dans sa direction.

Alain n’eut que le temps de se jeter au sol pour éviter les balles. Il sortit son propre revolver en bénissant le ciel d’avoir eu l’idée de le prendre, tira un coup de semonce et tenta d’ajuster le meurtrier. Celui-ci se réfugia dans une niche du tunnel d’où il continua son tir. Alain ne pouvait rien faire et décida de laisser l’autre épuiser ses munitions…

Bientôt le feu diminua d’intensité. Un dernier coup retentit, étrangement assourdi, puis ce fut le silence le plus absolu. Alain attendit un moment et se releva, pointant son arme dans la direction du fuyard. Il se dirigea à pas comptés vers la niche d’où étaient venus les coups. Il marchait lentement, restant aux aguets des éventuels mouvements de l’homme qu’il poursuivait.

Mais celui-ci était étendu sur le sol, inanimé. Alain se rapprocha prudemment et constata que l’homme était mort : le 7.65 qu’il tenait crispé dans sa main droite et l’impact d’une balle tirée à bout portant sur sa tempe, du même côté, attestaient qu’il avait préféré le repos éternel à l’arrestation…

L’homme portait un complet anthracite démodé et des chaussures de ville, maculées de boue, dont les semelles lisses avaient dû rendre difficile sa marche dans le tunnel.

Alain se mit à le fouiller et fut surpris de le trouver mouillé : l’homme était trempé jusqu’à la taille ce qui ne lui facilita pas la tâche. Toutes ses poches étaient vides, à l’exception de l’une d’entre elles qui contenait un petit disque de métal blanc. Alain le glissa machinalement dans sa poche. Il allait continuer son inspection du cadavre lorsqu’une voix le héla :

— Tout va bien ?

Il releva la tête et vit deux hommes en uniforme s’approcher de lui, un agent de police et un employé de la RATP.

— Tout va bien ! répondit-il, encore un peu essoufflé par la poursuite.

— Vous l’avez eu ? le questionna l’agent, qui arborait une superbe moustache.

— Non, ce salaud a préféré se tirer une balle dans la tête plutôt que de parler !

— Pas de chance… On ne saura jamais la raison de son geste.

— On la devinera peut-être, répondit Alain.

A suivre...


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