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11.01. Babel - Chapitre XI (1/4)

lundi 17 mars 2008, par Luc de Bauprois


(Episode précédent)

Chapitre XI

Ramené au monde réel par la morsure d’un froid intense, Alain reprit lentement conscience. Ne sachant plus trop où il était, ni ce qui venait de se passer, il resta un moment sans bouger, gardant les yeux désespérément fermés.

Il sentit le doux contact du pull-over de Patricia contre son visage. Lentement il entrouvrit les yeux, sans qu’aucun autre de ses muscles ne bouge.

Enfoui dans les doux replis de l’étoffe, il ne pouvait rien voir. Il tenta de ramener ses mains le long de son corps mais poussa un gémissement sourd : des milliers de fourmis affamées s’étaient mises à courir sur ses bras, dardant sa peau de milliers de piqûres mouvantes.

Puis, sa circulation sanguine reprit son cours normal et l’ankylose s’estompa. Alors, seulement, il put commencer à se relever, s’écartant lentement du corps de sa compagne, ouvrant avec précautions les yeux dans la crainte d’un éventuel éblouissement.

La douce lueur du soleil couchant avait fait place à une lumière artificielle dont la blancheur l’aveugla.

Il resta ainsi, sur les mains, abruti par le choc qu’il venait de subir quelques longues minutes auparavant.

Encore à demi inconscient, il ne reprenait que progressivement pied dans la dure réalité qui l’entourait.

Si la lumière l’aveuglait encore, il n’était pas devenu sourd mais la seule chose qui troublait le calme surnaturel ambiant était le claquement lugubre et régulier d’un lointain néon arrivé à la fin de son existence.

Sous ses mains crispées il sentit remuer le corps de Patricia. Il s’écarta d’elle tout en scrutant, inquiet, sa figure tendue.

Elle ouvrit les yeux, qu’elle referma aussitôt, éblouie, elle aussi, par la vive lumière qui inondait la pièce.

Ses lèvres remuèrent sans que le moindre son ne les franchisse, comme si elle avait soudainement perdu l’usage de la parole.

Alain lui passa la main sur la joue, cherchant à la calmer, à la rassurer.

Elle lui attrapa le poignet et le garda serré contre elle. Puis, au prix d’un effort qui semblait surhumain, elle articula avec peine :

— On est vivants…

C’était plus une question qu’une constatation. Il voulut lui répondre, lui montrer qu’elle ne rêvait pas, qu’elle n’était plus engluée dans les délires fantasmatiques de son évanouissement. Il se rendit alors compte qu’il avait, lui aussi, la gorge nouée au point de ne pouvoir parler. Il toussota avec précaution comme s’il avait craint de s’arracher les poumons :

— On dirait…

Elle avait rouvert les yeux avec précaution, et le regardait en se protégeant de la trop forte lumière avec le revers de la main.

Petit à petit leurs yeux s’habituèrent à la clarté des néons. Alain commença à se relever avec prudence, en même temps qu’il aidait Patricia à faire de même…

Stupeur ! Alors qu’il s’attendait à fournir un effort d’autant plus élevé que son ankylose était grande, il se redressa sans peine, décollant même de quelques centimètres au-dessus du plancher. Tout se passait comme si leurs forces s’étaient trouvées décuplées pendant leur inconscience.

— La gravité, murmura Alain. Elle est plus faible…

La surprise qu’il ressentit à cette constatation chassa quasi-miraculeusement les lambeaux brumeux d’inconscience qui obscurcissaient encore son cerveau.

Reprenant pleinement l’usage de son intelligence et de ses sens, il déclara d’un ton catégorique :

— C’est étrange, nous ne sommes plus dans la même pièce.

— Hein ? répondit Patricia qui, elle, n’avait pas encore repris tous ses esprits. Tu rêves, c’est toujours les mêmes plantes…

Les plantes étaient bien les mêmes, mais la pièce…

— C’est toi qui rêves, où est passée la baie vitrée qui était au fond de la salle ?

Patricia regarda dans la direction que lui montrait Alain. Effectivement il n’y avait qu’un mur nu et blanc. Elle pivota sur ses talons, regardant de tous les côtés. Rien ! Elle fit quelques pas un peu hésitants et sursauta en entendant le son de ses chaussures sur le sol. Vivement, elle porta les yeux vers le bas : elle marchait sur une vitre noire et lisse…

— Elle est là ta baie vitrée, dit-elle, se raccrochant instinctivement à un des montants métalliques qui traversaient la pièce, apeurée sans doute par l’idée que le poids de son corps allait lui faire traverser la fragile pellicule de verre.

Alain acquiesça en un hochement de tête.

— La tour a du tomber sur le côté… On a de la chance d’être encore vivants…

— Non, ce n’est pas possible. D’abord le choc nous aurait certainement tués : on ne tombe pas de près de mille mètres sans se faire la moindre égratignure… Et ça n’expliquerait pas la diminution de la gravité, ni ce froid glacial ! Et puis, d’abord, les vitres n’auraient pas résisté au choc.

A suivre...


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